Avant de fermer un ancien site web, je rapatrie quelques communiqués de 2004, 2005 et 2009, concernant Les Contes d'Hoffmann. La situation éditoriale n'a guère évolué depuis. Bien malheureusmeent...
LE 15 MAI 2009 |
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7 FEVRIER 2005 : LA VERITE SUR LA PARTITION RETROUVEE A L'OPERA - DERNIERES DECOUVERTES SUR LA GENESE DE L'OEUVRE. Ayant enfin pu consulter en détail cette fameuse partition qui fit couler tant d'encre dans une certaine presse l'été dernier, voici les premières conclusions qui apparaissent clairement : - contrairement à ce que déclarait le service de communication de l'Opéra de Paris, et ce que reprenaient "joyeusement" quelques journalistes avides de sensationnalisme, il n'y a pas le moindre trait de plume de la main d'Offenbach dans cette partition. Que ce soit en ce qui concerne la musique ou toutes autres annotations. - celle-ci fut rédigée par un copiste, d'après le chant-piano autographe orchestré par Ernest Guiraud. Elle contient, de plus, de nombreuses annotations apportées par ce dernier. - Quelques pages supplémentaires sont entièrement de la main de Guiraud, dont le Prélude de l'acte 1, très certainement ajouté en dernière minute. - elle ne représente certainement pas les dernières intentions d'Offenbach, mais celles de Léon Carvalho. D'ailleurs, elle ne comporte ni l'acte de Venise, ni le trio des yeux. - l'Epilogue (un véritable champ de bataille) est en fait un assemblage de morceaux de partitions (de copiste et de la main de Guiraud) provenant entre autres de l'acte de Venise. Tout prouve d'ailleurs que ce dernier avait aussi été copié dans cette partition et finalement supprimé, puis réutilisé de façon fragmentaire pour construire en hâte un épilogue "qui tienne la route", puisque Offenbach n'avait pas eu le temps de rédiger celui-ci. On trouve d'ailleurs, égarées au milieu de ces collages, quelques pages du finale de Giulietta (de la main d'un copiste)... Notons aussi que c'est Guiraud qui écrit sur la dernière page de sa propre main : "Fin de l'Opéra" Pourtant, cette partition recèle de nombreux trésors et a donc un intérêt certain. Premièrement, elle nous permet de connaître l'orchestration originale de différents passages jusqu'alors perdue (même si ce n'est malheureusement que celle de Guiraud...) : la partie centrale du chœur des Esprits, la transition instrumentale du duo Hoffmann - Lindorf, etc. Par ailleurs, elle contient de nombreux détails qui nous permettent de suivre, étape par étape, les dernières heures de la genèse des Contes d'Hoffmann, lors des toutes dernières modifications. On y découvre par exemple des versions intermédiaires (avec mélodrames) de la scène de la Muse, les modifications apportées à la ligne de chant d'Hoffmann pour endosser plus facilement la tessiture de ténor (Offenbach ayant, dans son manuscrit, seulement commencé ce travail de substitution). On peut aussi y trouver la musique de la pantomime de l'acte de Venise (égarée au cinquième acte, mais clairement placée avant le duo Hoffmann-Giulietta (devenu le duo Hoffmann - Stella par la volonté de Carvalho). En conclusion, et comme je le déclarais déjà cet été lors d'une interview dans Opéra International, cette partition n'apporte aucune nouveauté du point de vue musical. Aucune page inédite. Offenbach n'a en rien participé à sa rédaction. Elle ne peut aucunement modifier les fondements de l'œuvre, telle que nous la connaissons aujourd'hui. Outre les pages cousues ou biffées (véritable trésor que contient cet ensemble de cahiers non reliés), cette partition est simplement le reflet de la première édition imprimée par Choudens en 1881. Mais... en revanche, elle vient clairement soutenir nos travaux musicologiques et nos thèses (construites sur l'étude de l'ENSEMBLE des sources manuscrites et imprimées disponibles à ce jour) ; à savoir que : - Offenbach a seulement eu le temps de rédiger la partition piano-chant des actes I à IV, hormis les préludes, entr'actes, mélodrames et pantomimes, réalisés par Ernest Guiraud (voir ci-dessous notre communiqué de février 2004). - c'est ce même Guiraud qui a orchestré l'ensemble de la partition ; aucune des centaines de pages de la "grande partition" que nous connaissons ne comporte la moindre trace d'orchestration de la main d'Offenbach. (voir ci-dessous notre communiqué de février 2004). - contrairement à ce que déclare Josef Heinzelmann, le livret de censure n'a certainement pas été établi du vivant d'Offenbach, et selon sa volonté. Tout porte à croire qu'il a été rédigé "post mortem" à partir des matériaux disponibles. Ce qui explique la version "indigente" du cinquième acte finalement retenue par Carvalho (après que Guiraud en ait proposé plusieurs moutures plus ou moins convaincantes à partir des esquisses laissées par Offenbach et des intentions de son librettiste Jules Barbier (chœur "Folie, oublie tes douleurs", reprise du chœur des Esprits, Apothéose, reprise de la légende de Kleinzach, etc.). Aujourd'hui, une reconstitution de l'épilogue s'impose, afin d'avoir une édition cohérente. - même si le fait d'avoir retrouvé une partition de copiste des actes I et II est une avancée considérable dans nos recherches, il nous manque encore à ce jour les manuscrits autographes pour piano et chant orchestrés par Guiraud d'une large partie de ces deux actes. De la main de Guiraud, nous avons la scène de la Muse, le trio des Yeux et de nombreux passages de l'acte d'Olympia. De celle d'Offenbach, nous avons la quasi totalité des deux actes à l'état d'esquisses ou même de "grande partition" prête à être orchestrée. Mais par exemple nous n'avons rien sur les dernières mesures de l'Epilogue et cette fameuse gamme par ton si moderne que chante Hoffmann... Tout cela finira t'il un jour par réapparaître ? NB : Grâce à l'aide de Vincent Giroud, Conservateur en chef du département musical de la Beinecke Library de Yale, nous avons pu effectuer une étude comparative des écritures figurant dans l'ensemble des manuscrits des Contes d'Hoffmann (Yale, BNF, Famille Offenbach, Collection Keck, etc.) et d'autres manuscrits autographes d'Ernest Guiraud (partitions musicales, lettres...). Nos conclusions ne laissent planer aucun doute quant à la paternité de l'orchestration des Contes d'Hoffmann. Elle est intégralement de la main de Guiraud (hormis quelques passages réalisés d'après celle-ci par un copiste). Ceci est manifeste depuis la première scène de la Muse jusqu'à la dernière page du finale de Giulietta. Ce travail a été rendu possible par la consultation récente de sources jusqu'alors bloquées. On peut s'étonner que cette étude n'ait jamais été faite sérieusement auparavant par les "chercheurs" qui avaient accès à ces documents... Car, même si les écritures d'Offenbach et de Guiraud sont parfois assez proches, en observant méticuleusement ces manuscrits, le doute n'est plus possible. En revanche, ce qui est particulièrement troublant, c'est que les récitatifs additionnels (généralement construits à partir des pages coupées par Carvalho) ne semblent pas être de la main de Guiraud. Il est certain qu'ils ne sont pas d'Offenbach. On sait qu'Auguste, le fils du Maître aida Guiraud à la préparation de la partition, mais ce n'est pas non plus son écriture... 8 FEVRIER 2005 : COMMENTAIRES DETAILLES CONCERNANT LA PARTITION D'ORCHESTRE DES CONTES D'HOFFMANN UTILISEE LORS DES PREMIERES REPRESENTATIONS DE L'OEUVRE. - Tout porte à croire que cette partition a été copiée à partir du manuscrit autographe (Offenbach - Guiraud) avant que Guiraud n'apporte des modifications à sa propre orchestration ainsi qu'à la forme même de l'opéra (et particulièrement en ce qui concerne l'acte de Venise). En effet, les corrections de Guiraud figurant dans le manuscrit autographe sont reportées ici, par dessus le texte originel... - Il est fort probable que ce soit cette partition qui ait servi à conduire les premières représentations, alors que le manuscrit autographe fut utilisé lors des répétitions et comme modèle pour la gravure de la partition d'orchestre de Choudens. D'ailleurs, aucun des récitatifs de Guiraud ne figure dans cette partition de copiste (contrairement au manuscrit autographe qui les contient tous). De plus, il existe beaucoup plus de différences entre cette partition et la version imprimée par Choudens qu'entre cette dernière et le manuscrit autographe. De nombreuses indications de tempi et autres de la main du chef d'orchestre Jules Danbé viennent aussi confirmer cette hypothèse. C'est vraiment la version "opéra-comique" dont nous disposons là, avec les annotations de répliques en tête de chaque numéro. - La plupart des corrections et autres modifications sont de la propre main d'Ernest Guiraud. Certaines à l'encre brune, d'autres au crayon gris. Les corrections mineures (erreurs de notes de la part du copiste, oublis de nuances) sont faites au crayon bleu par Jules Danbé. - Certaines pages sont entièrement de la main de Guiraud. Il s'agit en fait de modifications fondamentales, réalisées en dernière minute. A savoir, tout d'abord la composition du prélude de l'acte I. Il est probable qu'il fut question en premier lieu de commencer l'opéra directement par l'introduction intimiste du chœur des Esprits, avant de se rendre compte qu'il était nécessaire de bien marquer le début de l'oeuvre par quelques mesures orchestrales des plus puissantes, mais assez brèves afin que la volonté de Guiraud de s'effacer devant Offenbach soit clairement définie. Nous parlerons des autres modifications majeures au fur et à mesure que nous avancerons dans la partition. Bien que nous ayons déjà passé trois jours à consulter celle-ci et à noter les différences rencontrées par rapport aux autres sources que nous connaissons, nous ne prétendons pas à l'exhaustivité. De moins pour l'instant... Les informations que nous vous donnons ici sont sans aucun doute les plus significatives : - N° 1 Chœur des Esprits. L'orchestration de certains passages de ce chœur de coulisses fut considérablement allégée (quasiment a cappella avec une harpe, une flûte et une clarinette également en coulisses), et bien différente de celle employée aujourd'hui. Tout d'abord, les contretemps des "Glou-glou" furent déplacés sur le temps (pour pallier à un problème de mise en place), mais finalement remis à leur place première par Guiraud. Pourtant les différentes versions imprimées par Choudens ne tinrent jamais compte de ce retour aux volontés premières d'Offenbach... Notons surtout que nous découvrons ici l'orchestration originale de Guiraud en ce qui concerne la partie centrale de ce numéro. Que ce soit Oeser, Kaye ou moi-même, nous avions dû nous résoudre à orchestrer nous mêmes ce passage. La partie de harpe fut réécrite par Guiraud. Certaines parties de chœurs diffèrent aussi, ou sont purement supprimées... - N° 1B Couplets de la Muse. Ce numéro fait partie des pages "à problèmes" qui ont été remaniées de nombreuses fois, avant d'être parfois supprimées tout simplement. On découvre ici (de la main de Guiraud) la volonté de transformer le récitatif "la vérité, dit-on" en une scène parlée sur fond de mélodrame. La musique est donc adaptée en ce sens. Ensuite, les protagonistes essaient une version nouvelle avec un air totalement différent reprenant la musique de l'Apothéose de l'acte V. Mais là aussi Guiraud tente un nouvel essai en transformant cet air en mélodrame, soutenant le monologue publié dans le premier livret imprimé. C'est certainement cette option qui fut retenue comme scène de la Muse, lors des premières représentations, et qui s'enchaîne avec la reprise du chœur des Esprits (toujours allégé du point de vue instrumental)... - N° 2 : le récitatif de Lindorf figure dans cette partition, et ce, dans sa version longue comme l'avait prévu Offenbach dans ses esquisses pour chant et piano. Mais une page collée à la fin de celui-ci, et comprenant des indications de la main de Guiraud, ainsi qu'une réplique "Eh bien non ! cela ne sera pas" prouve qu'il fut supprimé et remplacé par le dialogue que l'on trouve dans le premier livret imprimé. Dans les numéros qui suivent, de nombreuses indications de la part du chef d'orchestre (jusqu'alors inconnues) nous apportent de nouvelles informations sur l'interprétation de cet opéra. Et n'oublions pas qu'Offenbach assista aux premières répétitions avec piano et que ses dernières volontés musicales furent très certainement respectées et reportées ici par Danbé. - N° 4A : les personnages de Wolfram et Wilhelm figurent toujours dans cette partition. Ils n'ont pas encore été "absorbés" par Nathanael et Hermann... On commence à trouver aussi quelques modifications au crayon gris dans le livret ("Vive Dieu" au lieu de "Vrai Dieu", "Et Nicklausse est avec lui" au lieu de "Et son ombre est avec lui" ). On trouve aussi certaines modifications mineures du point de vue musical : le "Au diable Hoffmann" de Lindorf est raccourci de deux temps...La ligne vocale d'Hoffmann est parfois modifiée, ainsi que le rythme de certaines phrases de Nicklausse... - N° 5 : on trouve ici un enchaînement différent entre la légende de Kleinzach et la scène qui la précède. En fait, il s'agit d'une première version orchestrée par Guiraud (et qui reprend les volontés exprimées par Offenbach dans sa version "Hoffmann baryton". Celle-ci est d'ailleurs ici même corrigée par Guiraud et enfin conforme à ce qui sera ensuite imprimé par Choudens. Ou du moins, presque... Par ailleurs, nous découvrons ici une version plus étoffée de l'orchestration de la rêverie d'Hoffmann, avant qu'elle soit biffée par Guiraud lui-même. Certains passages ont été allégés ; d'autres carrément modifiés. - N° 6 : la découverte la plus importante dans ce final de l'acte I est peut-être l'orchestration originale de Guiraud de la transition entre les deux couplets du duetto Hoffmann-Lindorf. Mais surtout, c'est l'existence d'une mesure totalement inédite à la fin du second refrain, finalement biffée par Danbé. Ce n'est qu'une mesure, mais celle-ci modifie considérablement le caractère musical de la transition avec l'ariette de Nicklausse "Simple échange de politesse". - Entr'acte du II : initialement, le thème du couplet "Ca, Monsieur Spalanzani" était prévu au trombone. Finalement, Guiraud adopta une version pour basson... - N° 7 : le début de la scène est originellement écrit un ton plus haut, avec la demande expresse de "baisser d'un ton jusqu'à la lettre D page 17". La ligne vocale d'Hoffmann diffère parfois de tout ce que l'on connaît. La version remaniée par Guiraud (avec l'air d'Hoffmann "Ah vivre deux") a été intégrée au milieu de la version originelle. L'ariette de Nicklausse est proposée "un ton plus bas pour Mlle Chevalier" grâce à une modulation indiquée sur une feuille collée. - Notons que le trio des yeux ne figure pas dans cette partition. Il fut certainement copié, mais facilement retiré de cette partition qui est en fait un ensemble de cahiers non reliés entre eux et réunis acte par acte.. - N° 9 : tout le début de la partie chorale a été supprimé. L'entrée en scène du chœur se fait donc sans chanter, et les artistes entonnent leurs premières phrases sur la reprise du "Non, aucun hôte vraiment", à la 38ème mesure... Les onze mesures qui précédent la chanson d'Olympia sont baissées d'un demi-ton. Ce qui permet d'arriver dans la tonalité de l'air, en La b majeur, contrairement à ce qui se pratique habituellement, avec une transition brutale (de La à La b)... Sous les dernières vocalises de la Poupée, Monsieur Danbé (ou Madame Isaac) a demandé aux chœurs de s'abstenir de chanter... - N° 10 : nous découvrons une orchestration plus étoffée pour l'air d'Hoffmann "Ah vivre deux". - N° 11 : on trouve là aussi les deux versions (originelle et revue par Guiraud) de ce numéro. Pas mal de modifications d'orchestration. Mais surtout deux mesures restituées enfin correctement dans le duetto Hoffmann - Nicklausse (un ton plus haut que ce que l'on connaissait jusqu'alors).... Le manuscrit de Yale orchestré par Guiraud étant différent de l'esquisse d'Offenbach, mais par ailleurs incomplet, il était indispensable d'avoir ce passage tout entier pour pouvoir le restituer correctement. Ce sera bientôt chose faite dans notre nouvelle co-édition... La fin du duetto et le retour de Coppélius présentent aussi quelques tentatives de modifications instrumentales.... - N° 12 : certainement le numéro le plus intéressant de la partition pour la découverte qu'il nous apporte... Outre la petite valse orchestrale qui figure ici (comme dans la partition Choudens), la suppression des chœurs sous les vocalises d'Olympia, et quelques autres petits détails, nous avons trouvé, cachées sous une feuille collée par Guiraud, trois mesures inédites et originales d'Offenbach, au moment où Hoffmann découvre que sa fiancée est un automate. Comme pour le finale de Giulietta, Guiraud a voulu renforcer l'action dramatique en remplaçant une musique mesurée par un récitatif amené de façon brutale et contrastée. Cette nouvelle mouture aide aussi à la compréhension du texte. Mais, contrairement à ce que l'on croyait, elle n'est pas d'Offenbach.... En ce qui concerne l'acte III : - la « Barcarolle » est donc placée après la Romance d’Antonia. On a utilisé là un montage du début de l’Entr’acte et de la Barcarolle pris dans la l’acte IV supprimé (provenant de toute évidence de cette même partition de copiste). On y découvre une nouvelle instrumentation de Guiraud destinée à cette transposition pour « voix en coulisses » avec le soutien d’un piano. L’orchestrateur écrit d’ailleurs : « Otez la petite flûte, le hautbois, le triangle »… Mais ce qui est particulièrement intéressant, c’est de découvrir que, malgré le recopiage de la partition autographe des Fées du Rhin (à la demande de Guiraud), il n’a jamais été question d’employer deux harpes (et trois flûtes) à l’Opéra-Comique. Dans un premier temps, seule la partie de seconde harpe a été retenue. Ensuite, Guiraud l’a adaptée de sa propre main et au crayon gris. Puis, il en propose une toute nouvelle version spécifique à la nouvelle mouture de ce numéro, transportée dans l’acte d’Antonia, pour accompagner « dans la coulisse » les voix de femmes. - des modifications d’orchestration figurent dans l’air de Frantz, d’abord ajoutées par Guiraud, puis biffées par Danbé, certainement pour résoudre des problèmes d’équilibre sonore entre le plateau et la fosse. La ritournelle d’introduction est recouverte par une page collée et entièrement rédigée par Guiraud, conforme aux dernières volontés de ce dernier, et que l’on retrouve dans l’édition Choudens. - la romance de Nicklausse « Vois sous l’archet frémissant » ne figure pas ici. Pas plus d’ailleurs que dans le livret de censure. Maintenant que nous savons que ce document a été réalisé post mortem, il est difficile de savoir si Offenbach avait lui-même souhaité le supprimer de son opéra. Pour mémoire, rappelons que seul nous restent une version chant-piano autographe de ce numéro ainsi que les esquisses du récitatif qui devait le précéder. - le duo Hoffmann-Antonia est précédé de quatre mesures en La majeur, chantées par Hoffmann s’accompagnant de la harpe sur le thème de « C’est une chanson d’amour », et de quelques répliques. Avant de modifier et de raccourcir considérablement le début du duo, Guiraud tente d’abord une première adaptation en supprimant quelques mesures, en en modifiant d’autres… On trouve d’ailleurs dans cette partition les différentes versions de cette introduction. La décision de Guiraud d’accompagner le duo « J’ai le bonheur dans l’âme » par les pizzicati de cordes et non arci, est ici clairement signalé. Notons pour finir quelques adaptations orchestrales afin d’aider les chanteurs sur leurs fins de phrases… - le trio suivant (Hoffmann–Crespel–Miracle) contient de nombreuses corrections d’orchestration. Ce sont les mêmes que celles qui figurent dans le manuscrit autographe qui se trouve à la bibliothèque de l’Opéra. Mais ce qui est très intéressant ici, et contrairement à l’autre manuscrit, c’est que ces corrections sont portées avec des encres différentes. Ainsi, on constate que dans l’introduction, les parties de bois ont été effacées au grattoir et remplacées par les cordes, ce qui diffère des éditions critiques récentes qui associent l’ancienne et la nouvelle orchestration (bois et cordes)… Mais à la décharge de celles-ci, il n’était pas possible de faire la part exacte des choses en s’appuyant seulement sur le manuscrit de la bibliothèque de l’Opéra. On retrouve d’ailleurs le même cas de figure dans d’autres numéros. Maintenant que nous savons qu’Offenbach n’a pas orchestré sa partition et que les corrections de Guiraud concernent finalement la première étape de son propre travail, nous nous devons de réviser considérablement notre future édition en adoptant la dernière version de Guiraud et en signalant à titre consultatif ses premières intentions (comme dans toute édition critique qui se respecte). Là encore nous constatons combien cette partition de copiste peut nous aider considérablement, même si c’est de façon aussi inattendue… - le livret imprimé de 1881 fait état d’un récitatif (Guiraud) précédant le trio final. Je pensais donc le trouver dans cette partition. Et bien non ! Notons seulement qu’on est ici confronté aux mêmes corrections d’orchestration(s) que l’on trouve dans l’autographe conservé au Palais Garnier. Mais dans cette partition, les choses apparaissent plus clairement et il est beaucoup plus facile de suivre les différentes étapes de modifications. L’acte de Venise ayant été coupé par Carvalho, il ne figure donc pas dans cette partition. Comme nous l’avons fait pour la Barcarolle, transportée chez Antonia, nous parlerons donc du duo Giulietta-Hoffmann et de la Romance de ce dernier « Ô Dieu, de quelle ivresse » dans l’Epilogue, appelé ici « acte IV ». Comme je l’ai dit plus haut, celui-ci est un véritable champ de bataille dans lequel on peut suivre la première version publiée par Choudens en 1881, et ce au milieu de divers restes et scories d’anciennes tentatives de reconstitution. En voici le détail : - l’Entracte est dans sa version courte, sans les mesures d’introduction composées par Guiraud comme transition à l’intermède qu’il insèrera plus tard. - le chœur a cappella « Folie, oublie tes douleurs » ne figure pas dans la partition. - on y trouve en revanche de larges fragments (barrés) du double-chœur des Esprits et des Etudiants (finalement remplacé par la reprise du chœur « Allumons le punch » avec les nouvelles paroles « Vidons les tonneaux ») avec de nombreuses tentatives de modifications par rapport au manuscrit de Guiraud conservé à Yale, surtout en ce qui concerne le début et la fin du numéro. - on trouve ensuite le mélodrame (publié dans la première édition Choudens) qui devait servir à accompagner la déclamation de la Muse sur la musique de l’Apothéose, avec différentes tentatives d’enchaînements… Puis, quelques pages de la partition coupée de l’acte de Venise, à savoir la romance d’Hoffmann « Ô Dieu, de quelle ivresse » adaptée à la circonstance. - un point très intéressant : au milieu de ce fatras s’est perdue une autre page de l’acte IV, intitulée « n°19 », copiée juste avant le début du duo Hoffmann-Giulietta (devenu Hoffmann-Stella). Il s’agit en fait d’un des quatre mélodrames (18 bis à 18 quinter) composés par Guiraud comme soutien musical aux dialogues du début de l’acte de Venise (entre les Couplets bachiques et la Scène de jeu). Ces différentes pages manuscrites de la main de Guiraud se trouvent à Yale. Une d’entre elles porte la réplique « Nous avons tant souffert », ce qui porte à croire qu’au moment où cette scène était répétée, le texte des acteurs différait du livret de censure. Mais la partition de copiste de Paris nous apporte de nouvelles informations. Le mélodrame comporte en bas de page la didascalie « Giulietta prend l’anneau » [que lui tend Dappertutto], ce qui nous permet de bien situer la place initiale de cette musique dans les scènes parlées (il s’agit en fait de la seconde entrée de Giulietta). Mais le plus intéressant est le fait que dans la partition de copiste, cette page figure juste avant le duo Hoffmann-Giulietta. Ce qui prouve qu’elle a finalement été utilisée comme musique de scène accompagnant la pantomime du duel qui permet le changement de décor après le premier tableau. Notons d’ailleurs que ces musiques de scène ont dû être déplacées et transposées plusieurs fois, vues les différentes ratures et surcharges figurant sur leur numéro respectif, et la place qu’elles occupent aussi dans une partition chant-piano très rare publiée par Choudens (certainement pour la première reprise de l’ouvrage avec l’acte de Venise – peut-être au théâtre de la Renaissance…) Enfin, remarquons que l’orchestration pour quatre cors a été remplacée à cet effet par le quintette à cordes. - vient donc ensuite le duo Hoffmann–Giulietta, adapté en duo Hoffmann–Stella. Guiraud a copié de sa propre main le nouveau livret. Les énormes modifications orchestrales que l’on connaît déjà par les manuscrits se trouvant dans la famille Offenbach ont été reportées ici aussi. Une fois de plus, la première orchestration de Guiraud (beaucoup plus fidèle aux vœux d’Offenbach, mais aussi beaucoup plus contraignante pour la voix d’Adèle Isaac) est bien difficile à déchiffrer sous les ratures. A la fin de ce numéro, Guiraud tente différentes transitions. - on trouve alors quelques pages du Finale de Giulietta, égarées au milieu de cet épilogue (car faisant partie du même cahier de papier-musique que le duo précédent). La dernière page a d’ailleurs été utilisée comme support à un essai de nouvelle fin pour le duo Hoffmann-Stella. - un mélodrame (Guiraud) sert ensuite à introduire la reprise de la Légende de Kleinzach, qui s’enchaîne elle-même avec le chœur des «étudiants « Jusqu’au matin remplis mon verre » rédigé entièrement par la main de Guiraud. Celui-ci a d’ailleurs tenté deux transitions harmoniques différentes. - enfin, sur cette dernière page, Guiraud écrit de sa plume nette et bien reconnaissable : « Fin de l’opéra ». Figure ensuite le tampon apposé quelques années plus tard, mais - ô combien - symbolique : Théâtre National de l’Opéra-Comique – Albert Carré – Propriété de l’Etat. © Jean-Christophe Keck – Février 2005 FEVRIER 2004 LES CONTES D'HOFFMANN : DERNIERES DECOUVERTES. Depuis près de vingt ans, des sources de premier ordre concernant Les Contes d'Hoffmann, le chef d'œuvre posthume de Jacques Offenbach, avaient été rendues inaccessibles de par la volonté de leur propriétaire. Depuis peu, ces manuscrits sont la propriété de la Bibliothèque de Yale, et sont enfin consultables. Leur examen approfondi, ainsi que celui des documents se trouvant à la Bibliothèque Nationale de France, dans la famille Offenbach, et enfin les manuscrits dont nous sommes propriétaires, nous permettent de pouvoir annoncer avec certitude les points suivants : Offenbach a eu le temps de composer l'ensemble de la partition chant-piano des actes 1 à 4, hormis les préludes, entractes et autres mélodrames. En ce qui concerne l'acte 5, il a produit des esquisses plus ou moins complètes (voix et piano avec parfois quelques idées d'orchestration) pour le chœur "Folie, oublie tes douleurs", le duo Hoffmann / Stella, l'Apothéose avec chœurs. Les différentes versions du livret autographe de Jules Barbier permettent de savoir comment il envisageait d'utiliser cette dernière musique, ainsi que la reprise de la légende de Kleinzack. Dans l'ensemble des manuscrits que nous connaissons maintenant, l'écriture d'Offenbach n'apparaît à aucun moment dans l'orchestration. Celle-ci est généralement de la main d'Ernest Guiraud (et parfois de celle d'un copiste anonyme), que ce soit du premier chœur de l'acte 1 jusqu'au final de l'acte 4. Il apparaît donc que les déclarations d'André Martinet, le premier biographe d'Offenbach, sont bien fondées, soutenues par une lettre qu'Offenbach écrivait à son épouse quelques semaines avant sa mort : "il me reste juste un mois pour faire le troisième acte de Belle Lurette, orchestrer les trois actes, faire le finale (NDR : de l'acte 4) et tout le cinquième acte des Contes d'Hoffmann (je ne parle même pas de l'orchestration qui viendra plus tard)"... A la lueur des dernières découvertes, il apparaît clairement que c'est de l'orchestration de tout l'opéra dont parlait Offenbach et non pas simplement du dernier acte de la pièce, comme nous le crûmes avant de pouvoir accéder à l'ensemble des sources... Par ailleurs, il apparaît que le livret de censure a été construit après la mort d'Offenbach, en utilisant fidèlement les manuscrits autographes laissés par le compositeur en ce qui concerne les actes 1 à 4. Mais pour ce qui est de l'acte 5, il s'agit simplement d'une version construite par Jules Barbier et Léon Carvalho à partir des quelques matériaux exploitables, et ce, sans l'avis du compositeur. Dans un même temps, une autre version de l'acte 5, plus étoffée, mais finalement abandonnée, fut d'ailleurs tentée par Guiraud : reprise du choeur des Esprits mêlé à celui des Etudiants, ariette de Stella avec chœurs (qui semble être une composition personnelle de Guiraud), nombreux mélodrames... Petit à petit, le voile est levé, et les mystères qui entourent cet opéra fantastique se dissipent un à un. A l'heure actuelle, une édition scientifique et exhaustive des Contes d'Hoffmann est possible, rassemblant l'ensemble des sources disponibles et permettant de représenter une œuvre cohérente et d'une immense richesse musicale et dramatique... Bientôt, un long article sur la VRAIE genèse des Contes d'Hoffmann... et un communiqué sur la nouvelle co-édition Michael Kaye - Jean-Christophe Keck (Schott/Boosey & Hawkes) |